GEORGES PERROS
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1977

GEORGES PERROS
Échancrures

"De plus en plus de morts…


   De plus en plus de morts derrière
nous. Et nous toujours premiers et
derniers vivants. Saturation."

"Dire je est incomparablement plus modeste que dire nous. Cela devrait aller de soi."

 


GEORGES PERROS
Papiers collés II

"Quand je n'écris pas, j'attends. Pendant que j'écris, j'oublie que j'attends. Évidemment, je me demande ce que j'attends. Pas Godot, non. S'il existe, il nous aura fait très suffisamment mariner, il est bien le plus grand indifférent possible. S'il n'existe pas nous sommes tous des imbéciles. La vérité est sans doute entre les deux. Entre ces deux chaises sur lesquelles ne jamais s'asseoir, la vie, la mort; comment vivre sachant qu'on va mourir, comment oser "entreprendre" quoi que ce soit puisque demain, tout de suite, allez, dans la fosse. Et comment mourir, sachant qu'on n'a pas vécu, ou mal, ou de travers, ou à côté, parce que justement, on a attendu. Mais attendu quoi?"

" J'aurais pu fuir, gagner le Vercors, vivre avec exaltation ces moments difficiles. Il ne m'en vint jamais l'idée. La première vision des troupes allemandes à Bécherel, près de Dinan, les nuits passées dans les caves d'Issy-les-Moulineaux, le bruit de roulette des avions de bombardement, c'est à peu près tout ce que j'ai retenu de cette horreur. La Libération, je la compris très mal, n'en découvrant que le côté sordide ; la vengeance des voisins du quartier sur des femmes qu'ils rasaient et insultaient."

1973


1967

GEORGES PERROS
Une vie ordinaire

"Allez plus on avance
en âge moins on a de temps à donner
à ceux qui n'ont besoin de nous
que luxueusement. C'est tout
ce que ce soir j'ai à chanter. "

 "Ne pas dire plus qu'on ne voit plus
qu'on ne sait plus qu'on ne sent
c'est un métier très difficile
car la fable est au bout du compte
Deux hommes face à même chose
la décrivent tout autrement
et combien d'hommes dans un homme ? "

 


GEORGES PERROS
Poèmes bleus

"... comment ne pas remarquer que c’est justement à l’intérieur des plis et des répétitions de l’ordinaire que se ranime sans cesse le flux de la vie. " (Préface, Bernard Noël)

"Je m’arrêterai peut-être aussi
Dans ce petit bistro tout seul
Dans l’éternité de l’espace
Une clochette à l’entrée
Trois marches pour dégringoler
Dans l’ombre des choses humbles
L’odeur de la réglisse, du pierrot gourmand
De la semelle de caoutchouc
De l’essence De la vie. "

 "Si l’on me demandait
Comment est fait l’intérieur de mon corps
Je déplierais absurdement
La carte de la Bretagne. "

1962


GEORGES PERROS
Papiers collés

"Tous les gens que j'ai vus travailler m'ont gêné. Sinon les simples artisans. Je ne sais quelle malheureuse notion de choix, de foi, de vocation ils mêlent à leur long martyre, de conscience professionnelle et autres âneries du même tonneau, qui ne font que remplacer avantageusement ce qui leur manque. L'essentiel. La paresse est sans doute la plus difficile, la plus fatigante façon d'être qui soit. Et l'état privilégié par excellence. Mais impossible à vouloir. On ne veut pas être paresseux. Il ne suffit pas de dormir, de se coucher sur le sable, d'attendre comme éternellement la mort. C'est tout le contraire. L'état nerveux par excellence; mais incapacité d'épouser quoi que ce soit, de se faire aider, d'entrer dans un engrenage connu."

1960

 

Oeuvres posthumes


GEORGES PERROS
La pointe du Raz dans quelques-uns de ses états

"Je respire. A croire qu'un coffre-
fort bourré de tonnes d'air marin,
divin, vient d'être éventré. Ici le
vent prend la parole en écharpe, et
la malaxe et la secoue et vous la
rend toute lavée, salée, neuve,
bonne à tout et à ne rien faire,
comme si la révolution était per-
manente, et la pensée subversive,
milliard de bouchons d'une éter-
nelle bouteille de champagne brut. "

2010


GEORGES PERROS
J'habite près de mon
SILENCE

"J'habite près de mon silence
à deux pas du puits et les mots
morts d'amour doutant que je pense
y viennent boire en gros sabots
comme fantômes de l'automne
mais toute la mèche est à vendre
il est tari le puits, tari."

2006


GEORGES PERROS
Pour ainsi dire

"On met du temps pour comprendre que juger un individu, une oeuvre, etc., c'est se vanter soi-même, c'est se donner du poids."

"Je me suis fait une place à l'ombre."

2004


1996

GEORGES PERROS
L'occupation

"Mais en avant, toujours, jusqu'à l'humour, dernier état possible dans un monde impossible. L'humour, coup de reins de celui qui n'abdique pas, mais entend rester un homme. Il importe alors beaucoup moins d'être libre que de laisser aux autres la possibilité de l'être. Ce qui, par ricochet, nous en délivre. Ultime dimension, tardivement, difficilement accessible, mais dernier relais avant l'arrivée. Second souffle. État absolument neutre qui donne à la grande indifférence, justification, gravité, santé. Annulation souriante d'autrui, état d'après le désespoir, résurrection au-delà du drame mineur, du tragique " vivable ". Conformation d'esprit propre à celui qui a presque cédé à la tentation du suicide, mais a résolu de vivre " comme s'il s'était suicidé c'est-à-dire avec toute rigueur, exigence, dureté, vertu rendues possibles, utilisables, puisque c'est un "mort" qui les dicte. L'humour constitue pour moi l'invention, la trouvaille inespérée devant l'ultimatum; le mot de passe. Avec l'art, et pour des raisons différentes, la perche la moins glissante."

 


"J'irais plutôt vers les poètes, du côté desquels je me retrouve toujours après mes expéditions dans la dialectique. Je suis avec eux, cent pour cent. N'entendez pas par poètes ceux qui font de la musique avec le langage. Non, mais les poètes malgré eux, les faibles-forts, qu'on a eus, qui se sont installés une fois pour toutes sur le tonneau de poudre, sans cesser pour autant de jouer avec des allumettes. Il n'y a pas démonstration, cirque. Ils ne tentent pas le diable, font très attention, soucieux de ne pas faire tomber la flamme. Mais ils ne sauraient vivre ailleurs."

"Il est utopique de vouloir être toujours celui que nous sentons remuer en nous que par saccades, ruades ou caresses. Il faut se résigner à l'anecdote."

"La peur d'être déçu rend méchant."

"La bêtise, ce n'est pas de se vanter, c'est de profiter des hommes pour se faire valoir."

"Ce que j'ai appris, c'est qu'il est plus difficile d'écrire simplement qu'hermétiquement. L'hermétique doit être absorbé par le simple. Hölderlin le savait. Et Artaud."

"Ce s'rait dommage de mourir
sans avoir un p'tit peu vécu
un tout p'tit peu le cul tout nu
le nez en l'air la queue de même ."

"La poésie, pour moi, c'est le temps durant lequel un homme oublie qu'il va mourir."



GEORGES PERROS
Je suis toujours ce que je vais devenir

"Je suis toujours ce que je vais devenir...Je ne sais pas ce que je suis. Demain, je saurai, demain je saurai ce que je suis aujourd'hui. J'ai toujours l'esprit d'escalier. Vivre dans le présent, c'est une possibilité: c'est pour ça que socialement je suis complètement nul.Je ne peux pas me situer quelque part. Alors....ça peut aussi s'appeler l'impatience."

1983

 

Correspondances


GEORGES PERROS
LORAND GASPAR
Correspondance
1966-1978

"Perros souffre, il est écartelé, solitaire. Ne rien cacher, ni à soi ni à ses mots. Vivre c'est à ce prix. Ne jamais faire semblant, continuer à ressentir tout ce qui se présente, la magnificence du ciel et de la mer, la fraîcheur d'un coin de rue, celle d'un mot troublant, sur un fond d'horreur omniprésente, celle de la mort, de la présence constante de l'idée de la mort.
Car : « Ces moments-là donnent justement une idée de la mort. Le curieux, c'est qu'en même temps, ils dévoilent la vie, dans son extrême nudité, et la passion que nous en avons. Il n'y a rien de pire. Mais rien de mieux. On sait qu'il va falloir y retourner, parce que ces moments viennent et s'en vont sans prévenir. Nous laissant une espèce, un genre de souvenir, comme le goût, le fumet d'un vin rarissime au palais. »

2001


1998

BERNARD NOËL, GEORGES PERROS
Correspondances

"De cette amitié, que pourrais-je dire qui ne lui soit contraire ? Elle a vécu de lettres et de lectures. Ces choses-là relèvent du silence et de l'écart : elles ne m'appartiennent pas. Bien sûr, je peux me souvenir, mais le souvenir n'était pas notre mouvement puisque, d'emblée, par cette pente de la pensée qui va vers l'immédiat non vers la mémoire, nous a liés ce qui nous conduisait à notre perte. Et cela seul, je peux le vivre encore avec lui, comme si de rien n'était, car il en fut toujours de rien." Bernard Noël